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Nos médecins de l’espoir au Venezuela

Date: 

05/06/2019

Source: 

Granma International

Auteur: 

« ET vous, vous êtes d’où ? » ai-je demandé en guise de salutations à cette jeune fille au corps fêle, mais qui abattait un travail colossale quand je l'ai rencontrée. Son nom : Edenys Reyes Galan, elle avait 27 ans à l’époque et j’ai fait sa connaissance devant la porte du cabinet de consultation médical populaire Los Manacales (CMP), à Casacoima, l’une des municipalités de l'État de Delta Amacuro, dans l’est du Venezuela.
 
Très gaie et très active, elle m’a répondu avec un grand sourire : « Je suis de Bayamo, la terre du Père de la patrie cubaine ». Et rien que de penser à la différence entre cette ville très animée de l'est de Cuba et cet endroit isolé, entouré de montagnes et de forêts vertes luxuriantes, je n’ai pu qu’admirer son sacrifice et son dévouement quotidien au service de ses patients.
 
J’ai appris qu’elle était au Venezuela depuis 22 mois. Et depuis un an dans ce centre de soins situé dans cette localité d’une pauvreté extrême, où elle vivait en compagnie d'un jeune homme de la Mission sportive Barrio Adentro Deportivo. Ils avaient tous les deux avaient la noble mission d'aider les habitants de ces contrées reculées où la « le petit hôpital » - comme certains l'appellent là-bas - semble briller comme une lumière dans l’obscurité.
 
Quelques minutes plus tard, elle m'a invitée à prendre un café et nous sommes passées dans la petite cuisine de sa maison, qui se composait de deux pièces : l'endroit qui sert à soigner ses patients et l'infirmerie, également transformée en une sorte de pharmacie médicale. Dans la cour arrière, un bel arbre fruitier et de nombreuses fleurs, très bien entretenues, comme s'il s'agissait d'un jardin domestique et tropical, de style cubain.
 
FAIRE PARTIE DE LA FAMILLE
 
Edenys m’avoue combien il a été dur d'arriver à cet endroit et de compléter le diagnostic de santé, après de longues journées de marche, frapper à chaque porte, sur des routes inhospitalières et inconnues, où elle ne savait même pas qu’il existait des maisons.
 
« Chaque jour, nous recevons entre 10 et 15 patients qui viennent de zones éloignées, mais c'est la seule possibilité qui s'offre à eux pour recevoir un service, alors qu'ils n'en recevaient pas auparavant et que les principales maladies sont encore le parasitisme en raison de la mauvaise qualité de l'eau qu'ils consomment et de mauvaises habitudes d'hygiène », explique-t-elle.
 
« À présent, ils connaissent au moins les mesures à prendre pour rendre l'eau plus potable et faire davantage attention à la propreté des aliments et de l'eau. »
 
Les problèmes respiratoires sont également récurrents et nous luttons aussi contre les maladies chroniques non transmissibles comme le diabète et l'hypertension, ainsi que la grossesse à l'adolescence, signale la Dr Edenys, avant de préciser qu'ils essaient de consacrer le plus de temps possible aux discussions éducatives, tant dans les maisons qu’à certaines réunions organisées avec le soutien du Conseil communal, ce qui est plus compliqué dans ces endroits en raison des distances et l’éloignement des maisons.
 
« J’ai pu constater que les discussions ont eu un grand impact, en particulier parmi les jeunes et les adolescents. Au début, j'ai dû chercher des initiatives et apprendre beaucoup de choses sur leurs habitudes et leurs besoins, leur façon de parler, de vivre ensemble, et j'ai dû être très prudente, faire preuve de patience pour les gagner à ma cause, leur faire sentir que je fais partie de leur famille et que je voulais tout simplement les aider », souligne-t-elle.
 
Pour cette jeune coopérante, l'une de ses missions les plus délicates qu’il soit donnée à un médecins dans ces régions est la rééducation et la prise en charge des personnes alitées ou qui ne peuvent se déplacer pour recevoir des soins. Toujours accompagnée par l'enseignante de la Mission Sportive, elle parcourt plusieurs kilomètres par semaine pour aller là où le besoin se fait le plus sentir et pour aider les personnes accidentées ou handicapées à recouvrer leurs mouvements, voire à se réinsérer socialement.
 
Et d’ajouter : « C'est peut-être l'une des actions les plus difficiles et les plus humaines que nous menons. Parfois l'après-midi, après ces longues journées, la fatigue est inévitable, et il est très réconfortant de voir cette l'étincelle de reconnaissance dans leur regard. Le sourire de l'un d'entre eux suffit pour dormir paisiblement et se réveiller le lendemain avec plus d’énergie ; il faut toujours être là quand les gens ont besoin de vous. »
 
Sur les murs de la petite maison de la Dr Edenys, aménagée en cabinet de consultation, on peut voir des effigies de plusieurs héros et martyrs cubains et latino-américains. Le Che, Fidel, Chavez eux, ainsi qu'une belle affiche de sa ville : Bayamo. Dans sa cuisine, elle prépare aujourd'hui un délicieux « congri », (riz avec des haricots noirs) un plat typique cubain qu’elle aime se préparer mais qui, selon elle, ne saurait rivaliser avec celui de sa mère.
 
Elle est fille unique. C’est la « petite » de la maison malgré son âge ; et c'est ainsi que certains patients la voient également, à cause de sa petite taille, et elle aime faire part à ses parents de ses expériences vécues au Venezuela, des habitudes et des coutumes de habitants de ces contrées, de leur reconnaissance et des efforts déployés pour les maintenir en bonne santé et améliorer leur qualité de vie. « Je leur raconte presque tout… C'est mieux ainsi, pour ne pas les inquiéter », me dit-elle en souriant timidement
 
Parfois, elle ne peut pas leur parler pendant plusieurs semaines en raison de difficultés avec la couverture téléphonique de l'endroit où elle travaille, et pour faire un achat quelconque, elle doit parcourir de longues distances pour se rendre dans les États les plus proches, car nous sommes à 320 kilomètres de distance par la route de Tucupita, capitale du Delta Amacuro.
 
Elle se souvient non sans nostalgie de la polyclinique où elle travaillait dans son Bayamo natale avant de s’envoler pour le Venezuela. « Mais c'est une expérience formidable que de créer des liens avec des gens d’autres cultures et d'apprendre, de travailler chaque jour avec eux. Ici, il y a beaucoup de tranquillité car la région est habitée par une population clairsemée et très peu de gens vivent près de notre clinique, ce qui contraste avec Bayamo, ma ville, qui est très dynamique et très animée, et à laquelle je pense beaucoup, surtout le soir après le travail. Mais c'est motivant et très gratifiant d'aider ces gens, de leur redonner un souffle d'optimisme », souligne-t-elle.
 
LE POUVOIR DU SOURIRE
 
La Dr Edenys m’offre du lait de coco, très rafraîchissant à cause des températures élevées dans cette région et, j’en profite pour lui demander de me raconter quelques anecdotes sur les choses qui l'ont marquée pendant sa mission : « Un jour, une dame est venue me voir vers 23 heures avec des douleurs d’accouchement, le bébé avait la tête dehors et il fallait intervenir tout de suite. Elle a donné naissance à un beau bébé presque debout devant ma porte et nous avons tout fait nous même, et il y avait même le prof du sport qui nous a donné un coup de main. Figurez-vous, ils lui ont donné mon nom, et la petite marche déjà », signale-t-elle avec un grand sourire.
 
Quelques instants plus tard, on frappe à sa porte. Un jeune homme demande des soins. Le Dr Edenys le fait passer dans son bureau et, après un bref interrogatoire, elle commence à mesurer sa tension artérielle. Je prends congé d’elle, qui m'embrasse comme à l’un de ses proches et me remercie pour cette brève visite : « Cela fait toujours du bien de recevoir des gens du pays, pour bavarder, pour se sentir accompagné, même pour un moment, où que nous soyons. Je vous invite à Bayamo, où vous aurez votre maison à mon retour, et mes parents vont adorer vous accueillir. Je leur parlerai de vous. »
 
Pendant plusieurs mois, j'ai beaucoup pensé à la Dr Edenys, à ce qu'elle fait, à son dévouement envers les gens de cette région reculée à qui elle rend le sourire. « Vous êtes les vrais héros », avaient déclaré un jour les cinq antiterroristes cubains à nos coopérants lors de leur visite au Venezuela, en mai 2015, et l'un d'entre eux, Gerardo Hernandez, l'a ratifié lors de sa visite à Caracas en tant que membre de la délégation cubaine au 18e Congrès latino-américain des étudiants.
 
Des jeunes comme elle sont les protagonistes des histoires d’exploits quotidiens de notre peuple à travers le monde. J'ai pu constater que tout est possible quand ont défend la vie, même si souvent on est touché par la solitude des forêts et le silence des distances les plus inimaginables.